Stepanakert, le 23 mai 2023
Depuis 163 jours l’Artsakh se trouve dans un blocus criminel azerbaïdjanais qui s’intensifie. Des événements majeurs se succèdent qui impactent directement ou indirectement notre région, en particulier la République d’Artsakh et le sort du peuple artsakhiote.
Malgré la situation grave et les défis grandissants, notre peuple lutte pour nos droits et nos libertés collectives en poursuivant ainsi le combat sacré de nos ainés. Au blocus s’ajoutent les menaces extérieures et l’instabilité politique internes.
Les nouveaux développements dans le processus de normalisation des relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan intensifient les défis et les menaces existentielles auxquels l’Artsakh est confronté.
Sur le plan politique et de sécurité, il existe un certain nombre de facteurs qui impactent directement le présent et l’avenir du peuple artsakhiote. Je voudrais en souligner les suivants :
• Le blocus d’Artsakh qui dure depuis plus de 5 mois, avec des défis humanitaires et politiques qui s’intensifient et qui sont accompagnés de menaces sécuritaires,
• Une aggravation de la crise humanitaire due aux perturbations continues des infrastructures vitales d’Artsakh et une hausse des risques,
• Un accroissement continu de la menace d’une nouvelle agression militaire de l’Artsakh par l’Azerbaïdjan et une volonté non dissimulée de réalisation d’un nettoyage ethnique,
• Une fragilisation sérieuse des garanties russes de sécurité du peuple d’Artsakh prises en vertu de la déclaration trilatérale du 9 novembre 2020,
• Un accroissement des tensions géopolitiques dans la région et de l’agressivité de l’Azerbaïdjan, dû au conflit russo-ukrainien,
• Un affaiblissement continu de l’ordre international et la défaillance de la communauté internationale dans son engagement à défendre le peuple d’Artsakh et faire respecter les décisions des Coures internationales de Justice,
• Un affaiblissement des positions de l’Arménie et une politique visant à reconnaître l’Artsakh comme partie de l’Azerbaïdjan adoptées par l’Arménie dans le processus de normalisation de ses relations avec l’Azerbaïdjan.
Compte tenu de ces facteurs essentiels, je m’adresse :
A mes compatriotes d’Artsakh en leur demandant de ne pas perdre courage et d’être prêts à poursuivre le combat, laissant de côté les divergences internes et servir tous ensemble le même objectif qui est le renforcement de l’Artsakh et son salut. Je suis heureux qu’il existe une unité totale en Artsakh à cet égard. Saluant la déclaration faite hier par l’Assemblée nationale de la République d’Artsakh sur les propos tenus par le premier ministre de la République d’Arménie, je réaffirme que toute déclaration et tout document qui ignorent la souveraineté de la République d’Artsakh, le droit à l’autodétermination de notre peuple et sa réalisation sont inadmissibles pour nous et n’ont aucune valeur. L’Artsakh n’a pas fait partie et ne fera pas partie de l’Azerbaïdjan car telle est la volonté de notre peuple qui reste déterminé pour se battre pour ses droits et ses objectifs. Je suis certain qu’un combattant ne reste jamais seul ; que les Arméniens du monde entier soutiendront notre combat de même que des amis qui partagent nos valeurs sur l’arène internationale. Oui, la situation est difficile mais pas sans issue, et les autorités d’Artsakh prennent et prendront à l’avenir toutes les mesures pour résister aux menaces externes et internes.
Au peuple de la République d’Arménie en demandant à celui-ci de prouver activement et de manière déterminée que l’Artsakh ne peut être reconnu comme partie de l’Azerbaïdjan et qu’il continue de soutenir cette parcelle essentielle de la patrie arménienne unie. En fin de compte, l’Artsakh, avec sa place exceptionnelle pour l’Etat et le peuple arménien, est la patrie de tous les Arméniens. C’est le peuple d’Arménie qui est le maître de la République d’Arménie et c’est à lui qu’appartient de décider lorsqu’il s’agit de questions d’une portée nationale aussi importantes.
A nos compatriotes de la diaspora en leur demandant de se débarrasser des sentiments de déception, d’impuissance et d’indifférence et d’exiger de leurs propres gouvernements comme du gouvernement de la République d’Arménie des mesures concrètes pour garantir le droit à l’autodétermination et la sécurité de l’Artsakh. Nous attendons que tout individu et structure associative entreprendront les mesures pour soutenir l’Artsakh et pour s’opposer aux manœuvres criminelles de l’Azerbaïdjan. La Diaspora arménienne est dotée d’un fort potentiel et est capable d’obtenir de résultats importants pour assurer un meilleur avenir à la Patrie.
Aux autorités de la République d’Arménie en leur demandant de s’abstenir de toute action ou déclaration reconnaissant l’Artsakh comme partie de l’Azerbaïdjan et de rester fidèles aux engagements pris par des textes nationaux et internationaux, ainsi qu’aux aspirations et aux intérêts nationaux. Conscient de la fragilité de la République d’Arménie en période après-guerre, nous avons fait montre de compréhension à l’égard de certains développements, avons consenti et consentons à de nombreux sacrifices pour neutraliser toutes les tentatives d’imposer des concessions à la République d’Arménie. Mais il existe des principes et des lignes rouges qui ne peuvent être franchis pour nous. La reconnaissance de l’Artsakh comme partie de l’Azerbaïdjan est de ces lignes rouges pour la majeure partie de tous les Arméniens, j’en suis convaincu. Dans des actions et prises de position relatives à l’Artsakh, la République d’Arménie doit s’appuyer sur l’expression de la volonté du peuple d’Artsakh à l’occasion des référendums nationaux sur l’indépendance et l’adoption de la Constitution, soutenu par la République d’Arménie et tous les Arméniens. La normalisation des relations entre les Etats d’Arménie et d’Azerbaïdjan ne peut être obtenue séparément du conflit du Karabagh ni au détriment des droits et des intérêts vitaux du peuple d’Artsakh, qui sont par ailleurs partie intégrante des droits et des intérêts vitaux de la nation arménienne même.
Aux autorités de la Fédération de Russie et au président Vladimir Poutine en personne en leur demandant de remplir leurs engagements pris en vertu de la déclaration trilatérale du 9 novembre 2020 et de prendre les mesures nécessaires pour débloquer le corridor de Latchine (Qachatagh), éliminer tous les obstacles azerbaïdjanais et libérer le peuple artsakhiote de son état d’otage en prévenant les actions agressives azerbaïdjanaises à son encontre. Indépendamment des actions des autres parties de la déclaration trilatérale, la Russie a pris des engagements clairs qui ont servi de solide fondement pour le retour en Artsakh du peuple artsakhiote après la guerre. Aussi, nous escomptons une réalisation pleine et déterminée de ces engagements, au nom des intérêts du peuple d’Artsakh, ceux de la Russie, et de l’amitié séculaire entre les peuples russe et arménien.
Au peuple et aux autorités de l’Azerbaïdjan leur demandant de mettre fin à la haine envers le peuple arménien et à la politique génocidaire à son encontre, d’être prêts à accepter réellement le principe de l’égalité des peuples ainsi que la souveraineté du peuple arménien autochtone de l’Artsakh. Nous sommes prêts à un dialogue dans un format international, au règlement du conflit et à la paix, sur la base de normes internationales reconnues dont en particulier le principe de l’égalité des peuples, le droit à l’autodétermination, le règlement pacifique des différends, le non-recours à la force ou à la menace de la force et le principe de l’intégrité territoriale. Nous ne présentons aucune menace à l’Azerbaïdjan mais le peuple d’Artsakh a le droit de disposer de lui-même et la République d’Artsakh quant à elle l’obligation de défendre son peuple. Malgré les menaces venant en permanence de l’Azerbaïdjan, je reste convaincu que l’instauration d’un climat de paix, de dignité et le renoncement à la haine relèvent des intérêts et des aspirations de nos peuples.
A tous les acteurs internationaux et en particulier au Conseil de sécurité de l’ONU en demandant à celui-ci de garantir l’application par l’Azerbaïdjan de l’ordonnance de la Cour Internationale de Justice de l’ONU en date du 22 février 2023 ainsi que d’assurer la sécurité du peuple d’Artsakh par l’ensemble des moyens à sa disposition, conformément aux principes et aux objectifs de l’ONU.