Intervention de M. Arayik Haroutiounian, Président de la République d’Artsakh lors du Conseil des ministres

Stepanakert, le 22 février 2023

Chers compatriotes, chers collègues,

A la suite de la désastreuse guerre de 2020, l’Artsakh est entré dans une période aux lourds enjeux auxquels nous avons plus ou moins su répondre et garantir une certaine stabilité sur le plan intérieur comme sur le plan extérieur. Le blocus permanent instauré par l’Azerbaïdjan sur la seule route reliant l’Artsakh à l’Arménie – le corridor internationalement reconnu de Lachine (Kachatagh) – le blocus économique et le fait de placer les 120 000 personnes vivant en Artsakh face à divers problèmes humanitaires, ont une fois de plus révélé les véritables objectifs de l’Azerbaïdjan, ses plans à moyen et à long terme.

Depuis plus de 70 jours, le peuple d’Artsakh se bat résolument et mène un combat pour vivre dignement et créer dans notre patrie sacrée, pour transmettre le message de nos aïeux et respecter le serment fait sur les tombes de nos frères et de sœurs tombés au champ d’honneur. Cette lutte est permanente. Elle est sans fin. Elle ne prendra fin qu’avec notre victoire. J’aimerais maintenant faire quelques commentaires sur quelques questions.

Quelles sont les conséquences de ce blocus permanent de l’Artsakh ?

Avec le blocus de l’Artsakh par l’Azerbaïdjan, le cours déjà relativement paisible de la vie en Artsakh a été complètement perturbé. Nous subissons la suspension des importations et des exportations, exception faite des cas limités d’approvisionnement ponctuels de certaines cargaisons humanitaires par le Comité international de la Croix-Rouge et les « casques bleus russes ». De nombreuses familles ont été séparées. Des problèmes liés à la pénurie de nombreux biens essentiels se sont fait jour. Des milliers de nouveaux chômeurs sont apparus, des milliers d’hommes d’affaires ont stoppé ou restreint leurs activités. Des problèmes d’ordre psychologique sont apparus dans l’ensemble de la population. Nous avons subi des interruptions sporadiques de l’approvisionnement en électricité et en gaz, des problèmes de transport, des interruptions du fonctionnement des écoles, des jardins d’enfants et des hôpitaux. L’économie a subi plus de 150 millions de dollars de pertes et de nombreuses autres privations directes et indirectes. D’une manière plus générale, le blocus a impacté la vie du peuple de l’Artsakh de trois manières : en restreignant la libre circulation, en engendrant une terreur psychologique et en perturbant les infrastructures vitales. Si nous avons plus ou moins réussi à trouver des solutions pour les deux premières situations et résister à ce blocus, au niveau du troisième, nous devrons affronter de sérieux défis, ce qui nous a obligé à prendre des décisions rapides et décisives. Je vais essayer de m’expliquer dans les limites de ce qu’impose la sécurité.

En bouleversant totalement l’approvisionnement en électricité depuis l’Arménie à partir du 9 janvier, et en perturbant régulièrement l’approvisionnement en gaz, la partie azerbaïdjanaise a sciemment provoqué une crise énergétique, l’utilisant comme son principal moyen de pression. Depuis, nous sommes passés à une gestion de crise du système énergétique en exploitant les centrales hydroélectriques locales à pleine capacité et en limitant au maximum les consommations, notamment par des arrêts des aérateurs des grandes entreprises.

Durant toute cette période, les ressources en eau du réservoir de Sarsang ont été largement utilisées car, pour permettre le fonctionnement de notre principale centrale hydroélectrique, nous avons dû lâcher beaucoup plus d’eau que les ressources entrant dans le Sarsang. Aujourd’hui, la situation est critique. Cela signifie que nous allons prochainement connaitre une pénurie extrême en matière d’énergie, avec toutes ses conséquences.

Je voudrais également souligner qu’au cours de cette période, le gouvernement a beaucoup fait pour la résolution des problèmes causés par le blocus. Bien que de nombreux problèmes subsistent encore – on a même pu regretter quelques cas d’injustice – nous pouvons affirmer que le niveau d’efficacité des services de l’État augmente de jour en jour, et que dans le même temps les privations subies par la population s’en trouvent atténuées. Je remercie les personnes qui ont accompli, et continuent de le faire correctement, leur travail et leur devoir de citoyens. Que nos compatriotes qui ont fait preuve de peu de scrupules et qui sont obsédés par la préservation de leurs privilèges réalisent que par leur comportement ils nuisent à la patrie, et à eux-mêmes, car ils affaiblissent nos rangs et obèrent la résistance psychologique de la société. Mais dans le même temps, nous découvrons un peuple prêt pour le combat et pour affronter toutes les difficultés, clairement conscient des objectifs génocidaires azerbaïdjanais ainsi que de nos « lignes rouges », prêt à les défendre.

Je considère par ailleurs qu’il est naturel que les gens se posent des questions concernant les objectifs, les moyens, les échéances, les lignes rouges, les risques et les autres questions relevant de ce combat.

Je répondrai à toutes ces questions dans la mesure du possible, des informations disponibles et de ce qu’il est possible d’évoquer ; prêt pour le débat dans tous les formats possibles.

Concernant les objectifs à court et à long terme de l’Azerbaïdjan autour du blocus de l’Artsakh, il est évident que par des actions de ce type, l’Azerbaïdjan a pour but un nettoyage ethnique de l’Artsakh, conformément au principe selon lequel « s’il n’y a pas d’Arméniens en Artsakh, il n’y a pas de problème de l’Artsakh ». Et, à moyen et à court terme, elles visent à arracher de nouvelles concessions vitales à l’Artsakh et à l’Arménie, à détruire la souveraineté et l’économie de l’Artsakh, à accroître notre dépendance à son égard, à stimuler l’émigration grâce à un terrorisme psychologique, etc., etc.

À cet égard, l’objectif stratégique de notre lutte est de préserver et de renforcer un Artsakh arménien, indépendant et sûr, et l’objectif principal à ce stade, est de résister sans faillir aux provocations azerbaïdjanaises afin d’empêcher le succès de cette politique de nettoyage ethnique. La protection de nos intérêts vitaux et de nos « lignes rouges » est donc l’un de nos objectifs importants.

La situation créée en 2020 à la suite de l’usage illégal de la force ne peut, et ne doit pas, être reconnue comme le point de départ pour un règlement global du conflit. Le statut de la République d’Artsakh doit être reconnu au niveau international sur la base du respect du droit à l’autodétermination du peuple d’Artsakh. Le principal moyen pour mener cette lutte est de demeurer résolument en Artsakh, sans céder aux diverses provocations et aux pressions psychologiques. La seconde est la défense sans concession des intérêts vitaux et des « lignes rouges », pour empêcher toute nouvelle violation qui serait irréversible. Et le troisième est l’augmentation de pressions internationales concrètes sur l’Azerbaïdjan dans lesquelles le rôle de la République d’Arménie et de la diaspora n’est pas moins négligeable. Jusqu’à ce jour, nous avons placé des espoirs considérables dans la pression internationale, mais nous n’avons pas vu de mesures concrètes par-delà des déclarations parfois « aimables », et parfois plus dures.

Malgré cela, nous poursuivons également nos efforts sur le front juridique international. En ce sens, la décision d’hier de la Cour internationale de justice des Nations unies était attendue, et elle a été saluée comme un moyen d’y parvenir. Cependant, cette décision ne pourra donner de résultats que grâce à une volonté politique forte et à des mesures pratiques émanant des acteurs influents de la communauté internationale. S’ils y sont disposés. En tout état de cause, quels que soient la responsabilité et le comportement de l’Azerbaïdjan, le fait doit être considéré comme une victoire importante sur la plan juridique international. Cette victoire revêt une valeur et une signification juridiques essentielles non seulement pour aujourd’hui, mais aussi pour demain.

Au regard de la complexité du conflit, de la politique anti-arménienne de l’Azerbaïdjan, de l’instabilité de l’environnement géopolitique régional et de nos propres faiblesses, la route est encore longue devant nous pour atteindre l’objectif final de notre lutte. Dans les conditions actuelles du blocus, notre lutte a déjà porté certains fruits au titre de la prévention. On constate même l’existence de certaines tendances positives suggérant que cette situation de crise pourrait être considérablement atténuée dans les jours à venir, sans pour autant enfreindre nos « lignes rouges » ni porter atteinte à nos intérêts vitaux.

Pour l’heure, le défi pour nous est de créer un environnement raisonnablement stable et prévisible pour les mois à venir – et peut-être même pour un ou deux ans – jusqu’à ce que l’ordre international actuellement très fragile soit stabilisé et que nous soyons en mesure d’augmenter considérablement notre niveau de résistance. Durant tout ce temps, nous devrons faire preuve d’une vigilance aiguisée, d’adaptation, de prévoyance et d’une patience stratégique.

Quelles sont les « lignes rouges » de notre lutte ?

En Artsakh, notre peuple doit vivre une vie souveraine, sûre et digne. Nous devons avoir un droit garanti à l’autodétermination et à gérer notre propre destin dans notre patrie. Le statu quo doit être maintenu jusqu’au règlement global et définitif du conflit. Les contrevenants doivent être soumis aux condamnations les plus dures et aux rigueurs de la justice internationale. Le pouvoir doit être exercé de la manière définie par la Constitution et les lois de la République d’Artsakh. Les relations en Artsakh doivent être exclusivement régies conformément aux dispositions de la législation de l’Artsakh. Nos symboles nationaux doivent être préservés dans le respect et la dignité qui conviennent.

Comment voyons-nous le règlement du long conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Artsakh et les questions connexes ?

Nous sommes prêts au dialogue et au règlement du conflit avec l’Azerbaïdjan, mais nous avons des principes clairs et des « lignes rouges » qui découlent des droits fondamentaux, des intérêts vitaux et des revendications du peuple de l’Artsakh. Dans ce contexte, il est nécessaire de prendre en compte les principes suivants pour la tenue de ce dialogue et le règlement du conflit :

A- Tout d’abord, il est nécessaire d’assurer un environnement stable et de confiance mutuelle excluant les provocations, les cas de recours à la force et les manifestations de violence psychologique, afin qu’il soit possible de discuter des problèmes d’intérêt commun existants.

Si les problèmes de moindre importance et liés à des contingences matérielles peuvent être discutés et des solutions trouvées grâce à de simples contacts, je considère que la participation de la communauté internationale est importante pour la discussion de questions plus générales concernant les conflits afin d’assurer l’efficacité du dialogue et la protection des intérêts des parties, tout en réduisant les possibilités de pression et de coercition.

B. Le blocus doit être levé et l’Artsakh doit avoir une communication terrestre ininterrompue et sans restriction avec la République d’Arménie, sans aucune implication de la partie azerbaïdjanaise. La participation de l’Azerbaïdjan n’intéresse que la mise en œuvre rigoureuse des dispositions de la « Déclaration tripartite du 9 novembre 2020 », conformément à laquelle l’Azerbaïdjan doit garantir la sécurité du trafic, s’abstenir de créer des obstacles,

C. Il est également nécessaire de garantir la sûreté et le fonctionnement normal des infrastructures vitales allant de l’Arménie vers l’Artsakh sous contrôle azerbaïdjanais, en rétablissant complètement l’approvisionnement en gaz et en électricité et en excluant de nouveaux cas de défaillance. Comme je l’ai déjà mentionné, il est important de souligner que du fait de la défaillance de ces infrastructures, les ressources en eau du réservoir de Sarsang ont fortement diminué. Ceci entrainera une grave crise pour les agriculteurs azerbaïdjanais au printemps et en été, car les ressources en eau seront alors insuffisantes pour irriguer des dizaines de milliers d’hectares de terres,

D. Notre dialogue officiel peut avoir lieu conformément aux dispositions d’un format international approprié fondé sur des principes mutuellement acceptables des normes du droit international, dont celui du principe d’égalité. Évidemment, comme lors de la période de l’après-guerre, nous n’excluons pas certains échanges ponctuels avec la partie azerbaïdjanaise sur les questions humanitaires et techniques, mais cela ne peut remplacer le dialogue sur les aspects politiques du conflit.

E. La composition des délégations pour les négociations doit être décidée exclusivement par les parties concernées. Ce qui signifie également que l’Azerbaïdjan ne peut pas intervenir dans la définition de la composition de la délégation de l’Artsakh. La même logique s’applique à la composition de la délégation azerbaïdjanaise.

F. il est nécessaire d’assurer l’implication qui convient de l’Artsakh dans la communauté internationale, y compris la présence de structures onusiennes en Artsakh, qui apporteront d’importantes garanties de sécurité et de développement au peuple d’Artsakh. Il est à noter que l’Artsakh est le seul État « non reconnu » au monde qui n’a aucune implication internationale, ne reçoit même pas d’aide humanitaire internationale, à l’exception de la mission très limitée du Comité international de la Croix-Rouge.

G. Tant pour le dialogue lui-même, que pour le règlement global du conflit, il est absolument nécessaire d’exclure le recours à la force et toute menace de recourir à la force. Ce principe doit être assuré par des garanties de sécurité internationales, notamment en augmentant l’efficacité de la mission russe de maintien de la paix,

H. Le droit du peuple d’Artsakh à l’autodétermination et à gérer son propre destin n’est pas sujet à négociation. C’est le droit naturel et fondamental de notre peuple, également établi par des documents reconnus internationalement.

I. L’Artsakh ne renoncera jamais à sa souveraineté et il ne peut être question d’intégration dans l’Azerbaïdjan voisin. Il ne s’agit pas d’une décision ou d’une position arbitraire, mais uniquement fondée sur le droit des Arméniens d’Artsakh à l’autodétermination, à une vie sûre et libre dans leur propre patrie, et sur la nécessité de prévenir les graves dangers ontologiques causés par la politique systémique azerbaïdjanaise basée sur une arménophobie totale.

J. La reconnaissance internationale de l’application du droit à l’autodétermination du peuple de la République d’Artsakh et tout autre processus ou solution au-delà de la logique de protection est inacceptable pour nous, car cela conduirait indubitablement à l’anéantissement de la population de la République d’Artsakh par l’Azerbaïdjan.

Que peuvent faire l’Arménie et la diaspora pour l’Artsakh ?

Tout d’abord, il faut réaliser que « l’union-trine » Arménie-Artsakh-Diaspora doit être privilégiée et renforcée car elle procède de notre intérêt national. Il serait inacceptable de traiter l’une de ces trois entités comme séparée des deux autres, ou comme un obstacle. Oui, l’Artsakh est d’une importance exceptionnelle pour le peuple arménien. D’un point de vue objectif, l’Artsakh s’efforce d’agir de manière indépendante pour résoudre ses propres problèmes et élever le niveau de sa subjectivité internationale, mais sans le soutien et l’accompagnement constant de l’Arménie et de la diaspora, l’Artsakh ne peut pas réussir. De son côté, l’Artsakh assume également sa part de responsabilité dans la protection des intérêts nationaux.

Que fait-on pour assurer sa sécurité ?

Un travail considérable a été accompli et est poursuivi pour augmenter l’efficacité de son propre système de sécurité. Mais compte tenu de l’extrême sensibilité du sujet, il est préférable d’en parler le moins possible tout en agissant plus. Toute personne vivant en Artsakh a le droit à la vie. C’est de cette idée qu’est né le droit universel à l’autodéfense afin de le protéger contre toute attaque ou agression. Ce droit nous accompagnera de manière intrinsèque tant qu’il y aura une menace pour la vie et la santé de nos citoyens. Cependant, compte-tenu de notre degré de vulnérabilité, il est important de reconnaître que les garanties externes pour notre sécurité continueront à jouer un rôle crucial pour nous pendant encore longtemps. Par conséquent, nous nous efforçons d’améliorer le niveau d’efficacité de la mission russe de maintien de la paix, ainsi que de discuter des possibilités d’appliquer d’autres garanties politiques internationales. Bien que le conflit avec l’Azerbaïdjan constitue notre principal défi qui affecte négativement toutes les sphères de la vie du peuple d’Artsakh, nos problèmes internes sont également importants au regard de la construction d’un état plus fort et pour assurer son développement. De plus, ils affectent également directement l’efficacité des efforts visant à résoudre les problèmes de sécurité et de politique étrangère.

Quels sont les principaux défis et les chantiers sur le plan intérieur ?

Tout d’abord, il convient de noter qu’en ce qui concerne l’avenir de l’Artsakh, il existe une seule et unique position dans l’ensemble de la société, l’appareil politique y compris. Le problème est que du fait de spéculations et de rumeurs de toutes sortes, de fausses divisions sans aucun fondement sont apparues dans la société à ce sujet. Il est regrettable qu’elles soient non seulement le fait de la partie azerbaïdjanaise, mais aussi parfois de certains cercles de la partie arménienne.

Le respect mutuel et la tolérance sont primordiaux à l’interne. Tout le monde devrait comprendre que nous n’avons pas d’ennemis à l’intérieur. Nous avons choisi de vivre et de combattre dignement et sans faiblir dans notre patrie. Nous sommes tous sur la même ligne et les mêmes positions de combat. Par conséquent, j’attends et exige que nous soyons tous dans cette logique d’un combat sans concession, tous unis autour de nos objectifs et de nos valeurs et non d’individus, moi y compris, car la principale cause de nos divisions réside dans ces approches personnelles. Après le 9 novembre 2020, l’un des impératifs majeurs auxquels la République d’Artsakh était confrontée était d’assurer la solidarité et l’unité internes afin de surmonter dignement les problèmes auxquels le pays était confronté.

Néanmoins, un certain mécontentement né dans la société et une atmosphère de méfiance des uns envers les autres persistent ce qui oblige les autorités à prendre des mesures supplémentaires pour assurer la stabilité et la paix de la vie durable en Artsakh.

Il faut reconnaitre qu’en 2020, dans la situation créée en Artsakh après la « Guerre des 44 jours », les organes démocratiques de l’État créés sur la base de la Constitution et des lois de la République d’Artsakh ne reflétaient plus complètement les sentiments de la société. Dans certains cas même, ils ne jouissaient plus du niveau de confiance indispensable, ce qui dans les conditions actuelles incertaines et en constante évolution, crée souvent des vagues d’insatisfaction objective et subjective, conduit à des crises, à des chocs internes. D’autre part, nous devons comprendre que l’instabilité intérieure, les bouleversements et les contradictions en Artsakh constituent une menace sérieuse. Ils peuvent nuire dans des proportions considérables à nos intérêts, provoquer des changements d’approches, d’attitudes et d’humeurs chez les forces « extérieures », et entrainer de funestes conséquences.

Nous avons opté pour la politique universellement admise du respect de la libre opinion, de la liberté d’expression, y compris après la catastrophique « Guerre des 44 jours ». Non seulement nous n’avons connu aucun recul dans la protection des droits de l’homme, mais nous avons même souvent enregistré des avis positifs des pays étrangers en la matière. Par conséquent, nous devons essayer de maintenir la bonne réputation de notre pays, le crédit international dont nous jouissons et la nécessité de maintenir la stabilité interne avec un maximum de responsabilité.

Ces derniers jours, j’ai rencontré les partis qui œuvrent en Artsakh, les représentants des forces politiques représentées à l’Assemblée nationale. Je leur ai présenté la situation dans le pays, les menaces et les enjeux internes et externes. J’ai répondu à la déclaration des représentants de la société civile. Je les ai rencontrés. J’ai reconnu leurs affirmations concernant la polarisation de la vie interne du pays, les division de la société et le besoin urgent de renforcer la foi et l’espoir en l’avenir de la population, et me basant sur leurs avis, accepté:

La demande de création d’un organe consultatif auprès du Président composé de représentants des régions de la République d’Artsakh qui devrait servir de plate-forme de discussion sur les questions liées à la politique intérieure et extérieure du pays, qui disposera de mécanismes objectifs de contrôle émanant de la société, et d’un droit décisionnaire important, qui proposera ses conseils et recommandations.

J’ai l’intention de faire participer cet organe à l’examen de bien d’autres questions et problèmes, non seulement en tant que conseillers, mais également en tant que participants actifs lors des différents processus mis en place. Nous devons convaincre pleinement notre peuple qu’aucune question ne sera discutée en coulisses, qu’aucune décision ne sera prise concernant le sort de l’Artsakh et les Arméniens d’Artsakh sans tenir compte de son opinion.

La mise en œuvre de cette idée débutera dans les prochains jours.

Après ma précédente déclaration sur la création de cet organe consultatif, différents points de vue se sont faits jour. Des inquiétudes ont été exprimées quant à la possibilité de réduire les pouvoirs des organes constitutionnels, de les transférer à d’autres organes. Certains ont même commencé à s’attaquer à ce groupe d’initiative à venir. Mais en réalité, le propos et l’initiative ne visaient pas à limiter les pouvoirs des organes de l’État, mais au contraire à contrôler leur mise en œuvre.

Si diverses autorités expriment déjà une telle opposition à la création et à la mise en place de cet organe consultatif, cela signifie que la demande de la société est tout à fait justifiée.

Cela signifie que nous sommes sur la bonne voie et que l’organisme à créer pourra avoir un effet de contrôle efficace.

Notre désunion, nos divisions, notre inimitié les uns envers les autres, l’approche consistant à préférer l’individu à l’État et l’atmosphère générale générée par tout cela est un véritable cadeau offert à nos adversaires pour la réalisation de leur plan pour nous réduire. A maintes occasions, dans des situations extrêmement différentes, nous avons pu constater que les efforts combinés de quelques personnes peuvent produire d’excellents résultats non seulement au niveau national, mais également sur la scène internationale. Unissons-nous et renouons ensemble avec ce sentiment d’invincibilité.

Je veux réaffirmer une fois de plus que je ne ménagerai ni mes efforts ni mon énergie. Je ferai l’impossible pour faire de la solidarité et de l’unité interne une réalité en Artsakh. Toutes mes prochaines initiatives viseront essentiellement ce but. Ce ne sont pas que des paroles.

Nous devons tous changer, y compris moi-même, et mes prochaines initiatives deviendront de manière convaincante l’expression pratique de ces propos et déclarations.

Les réformes constitutionnelles présentés ces derniers jours font l’objet d’intenses débats. Certains les critiquent, d’autres ont des propos extrêmes, certains encore leur donnent de l’importance et du sens. Mais, je dois dire que tout changement constitutionnel devrait viser à assurer la stabilité interne de notre pays et à faire face aux dangers prévisibles. Dans tous les cas, je vous assure qu’aucune modification constitutionnelle ne sera proposée pour servir les intérêts de qui que ce soit, ou de tout groupe ou force en Artsakh. Cela est exclu.

Nous ne proposerons de changements constitutionnels que si nous en ressentons vraiment l’urgence, l’importance et la nécessité.

Sur le plan intérieur, nous continuons d’être confrontés à de graves problèmes concernant la pleine application des principes constitutionnels de justice sociale et d’État de droit. Bien sûr, il existe de nombreuses situations où des dénonciations sur l’injustice ou l’inégalité sociale n’ont aucun fondement objectif ou sont fictives, présentées pour des raisons politiques ou autres, mais c’est aussi le problème de l’État et de nous tous. D’autre part, lorsqu’il y a de nombreuses manifestations d’injustice, il est difficile de séparer l’objectif du subjectif, le vrai du faux. C’est pourquoi, dans un proche avenir, nous devrons prendre des mesures telles que les principes juridiques de justice, d’État de droit et d’égalité de tous devant la loi soient mis en œuvre, non pas sous la forme de déclarations agréables à l’oreille, mais ayant une portée pratique et une expression tangible.

La rigueur dans le fonctionnement de l’appareil d’état, l’organisation rationnelle du travail, des relations saines et de confiance entre les autorités de l’État et les citoyens, le dévouement au travail et les résultats sont d’une importance particulière pour faire de tout cela une réalité.

Chers compatriotes,

Depuis peu, le sujet le plus débattu concernant l’Artsakh est la relation entre Ruben Vardanyan et moi, les rumeurs sur les fonctions de ce dernier en tant que ministre d’État et sur son limogeage. Une fois de plus, nous avons constaté qu’il existe parmi nous des personnes et des forces capables de détruire leur propre pays et de saper les intérêts de notre peuple afin de satisfaire leurs ambitions politiques et manifester leur antipathie personnelle envers leurs voisins. Dans ce « combat », ces personnes et ces forces disposent d’un certain avantage puisqu’elles peuvent satisfaire leurs propres désirs au détriment de l’État, de notre peuple, alors que nous, je veux dire, les organes et les fonctionnaires de l’État, n’avons pas le droit moral et la possibilité légale de prendre de telles mesures.

Malheureusement, beaucoup de gens peuvent faire preuve d’un tel comportement. Mais à aucun moment Ruben Vardanyan.

Ruben Vardanyan est l’un de mes amis les plus proches. L’un des rares qui a décidé de s’installer en Artsakh et de vivre ici au moment le plus difficile et le plus tragique pour notre peuple. Cette nouvelle a été un véritable choc pour moi. Après avoir pris connaissance de cette décision de Ruben Vardanyan, je lui ai immédiatement proposé de rejoindre l’appareil d’État en tant que Ministre d’État.

Connaissant Ruben Vardanyan, j’étais certain qu’il n’hésiterait pas une seconde à répondre à ma proposition d’assumer cette responsabilité. Malheureusement, quelques jours seulement après la nomination de Ruben Vardanyan, a débuté le blocus de l’Artsakh, ce qui a presque neutralisé tous les plans qui devaient être mis en œuvre par lui et par le gouvernement.

Notre peuple s’est uni avec résolution et a choisi la voie pour surmonter les difficultés et les épreuves qui nous ont été imposées avec dignité, le front haut.

En cet instant, je veux dire publiquement que ce combat a aussi été d’emblée celui de Ruben Vardanyan, un personnage de grande valeur pour nous tous. Afin d’exclure toute distorsion de ma pensée et toute fausse interprétation de mes propos, je dois souligner que dès le début de notre lutte, Ruben Vardanyan a incarné l’Artsakh et que chacun de nous a son visage. La chose est connue: aucun citoyen d’Artsakh ne se reniera ou ne trahira jamais un ami.

Pendant tout ce temps, Ruben Vardanyan et moi avons été au côte à côte, suivant quotidiennement les événements et les développements qui se produisaient à la fois en Artsakh et dans le monde extérieur. Nous avons en permanence échangé nos idées sur les solutions à la situation existante. Je suis reconnaissant à M. Vardanyan pour ces relations amicales et de collaboration. Il a toujours essayé de partager au maximum le fardeau des responsabilités avec moi en ne me surchargeant pas en se référant aux seules normes constitutionnelles. Mais, d’un autre côté, il était conscient et comprenait la portée et l’étendue de ma responsabilité personnelle dans la situation créée en Artsakh et tous les problèmes qui en découlaient.

Pendant toute cette période, j’ai constamment discuté, évalué et analysé tous les problèmes préexistants et qui sont apparus après le blocus de l’Artsakh, suivi les derniers développements géopolitiques autour de l’Artsakh et du Caucase du Sud, tenu un certain nombre de consultations et informé à leur sujet Ruben Vardanyan. Nous avons eu de multiples discussions communes.

Même si chacun de nous pourra opter pour des voies différentes concernant nos prochaines initiatives et la manière de poursuivre notre chemin, Ruben Vardanyan a accueilli mes positions avec compréhension, en admettant que dans tous les cas j’avais une connaissance plus approfondie de la situation, que j’étais le mieux informé de par ma position, et que je pouvais produire des analyses exhaustives approfondies constituant le corpus d’informations le plus important dont nous pouvions disposer .

Conscient de ma responsabilité envers l’Artsakh et envers notre peuple, afin de veiller au développement de l’Artsakh et à relever les défis à venir et de ne pas gaspiller les moyens de notre résistance générale et celle de l’État, sans commentaires inutiles, j’ai pris la décision de libérer Ruben Vardanyan des fonctions de Ministre d’État.

Étant donné qu’il y a près de quatre mois, j’avais moi-même nommé M. Vardanyan au poste de ministre d’État, je dois souligner que les situations d’alors et d’aujourd’hui diffèrent considérablement tant sur le plan externe qu’interne. Cependant, j’ai grandement apprécié les efforts de M. Vardanyan au cours de cette période, à la fois pour sensibiliser la communauté internationale à la cause de l’Artsakh et pour résoudre de nombreux problèmes internes durant le blocus;

Pendant des jours, ce sujet a agité la presse en l’alimentant de toutes sortes de commentaires. Certaines personnes se sont inquiétées pour Ruben Vardanyan, certains ont essayé de présenter cette décision comme un coup porté à « l’esprit de lutte ». Certains ont même affirmé qu’il s’agissait de la mise en œuvre d’un ordre venu d’Azerbaïdjan. Ne voulant pas répondre aux auteurs de tels propos et m’abstenant de tous commentaires, je dirai seulement que nul ne peut ressentir plus de peine que moi pour cette décision. Je dois également dire que je ne discute et ne coordonne mes démarches et décisions avec personne d’autre que le peuple d’Artsakh et les organes de l’État. C’est de mon propre chef que j’ai nommé Ruben Vardanyan au poste de Ministre d’État et j’ai fait cette proposition à ma propre initiative. Elle a été approuvée par le peuple d’Artsakh. En prenant une telle décision, j’étais conscient de la possibilité de problèmes potentiels avec l’Azerbaïdjan et d’autres pays, mais personne ne m’a empêché, et ne pouvait m’empêcher, de prendre une telle décision.

Quant à la lutte de notre peuple, elle n’a pas débuté hier. En ce sens, notre lutte ne peut être associée à une seule personnelle. Notre lutte a une histoire de plusieurs siècles. Elle n’a pris naissance ni avec moi, ni avec Ruben Vardanyan, ni avec d’autres. Cette lutte existe et continuera d’exister indépendamment de nous. La lutte de notre peuple est inébranlable.

Je suis certain que Ruben Vardanyan demeurera en Artsakh et multipliera ses efforts pour le développement de l’Artsakh grâce à ses activités sociales. Nos relations personnelles restent à un niveau élevé et j’apprécie énormément la coopération active des organes et des responsables de l’État avec M. Vardanyan et les organisations qu’il dirige, car il est dévoué à la patrie et conscient de la signification de l’Artsakh pour l’ensemble du peuple arménien.

Concernant les spéculations au sujet de différents entre Ruben Vardanyan et moi sur le cours de la politique étrangère, je dois préciser que notre objectif stratégique commun est l’avenir arménien, indépendant et sûr de l’Artsakh, nous avons tous les deux la même conception des intérêts vitaux et des lignes rouges du peuple d’Artsakh.

Cependant, nos approches à court terme présentent certaines différences tactiques qui reposent sur des différences d’appréciation de certains facteurs, notamment l’instabilité hautement imprévisible du monde et de la région, les méthodes de défense des lignes rouges, l’efficacité de l’utilisation des ressources arméniennes, des divers leviers dont nous disposons, l’influence des intérêts et l’effet de levier des divers acteurs géopolitiques. Je voudrais également souligner que nous avons régulièrement des discussions et des débats sur ces questions, y compris au sein du Conseil de sécurité de l’Artsakh. Pour moi, un chose est certaine : il n’y a aucun responsable en Artsakh qui ait une approche s’écartant de quelque manière que ce soit de nos objectifs stratégiques et considère l’Artsakh comme une partie de l’Azerbaïdjan. Par conséquent, toute spéculation sur une intégration à l’Azerbaïdjan, à la cessation de la lutte et sur d’autres questions sont largement inacceptables. Ce sont des coups portés dans le dos au peuple d’Artsakh.

Je suis sûr qu’indépendamment des personnes au pouvoir, le peuple d’Artsakh ne peut pas arrêter sa lutte pour ses droits et sa dignité sur sa propre terre. Les individus sont de passage, mais la lutte et les intérêts nationaux du peuple arménien – y compris de l’Artsakh- sont éternels.

Nous sommes ici pour assurer la poursuite de cette lutte et la préservation des intérêts nationaux pendant le mandat qui nous est confié. Quiconque s’écarte de cette voie affrontera le verdict de l’Etat et du Peuple pour haute trahison. Le principal arbitre du débat en matière tactique est le temps. D’autre part, il faut aussi comprendre qu’il est très facile à des personnes sans responsabilité officielle et ne voyant que la pointe émergée de l’iceberg de se contenter de critiquer et de donner des conseils apparemment « sensés ».

Mais, la réalité est beaucoup plus complexe que cela car il nous faut sauver notre navire endommagé par la tempête et le mener à bon port grâce un travail patient et cohérent. Et en ce sens, malgré l’importance d’un dialogue franc et ouvert avec la société, chacun doit comprendre qu’il n’est pas possible de débattre publiquement de tout, car non seulement nous écoutons, mais nos adversaires le font aussi et ils prennent en compte toutes les données et circonstances pour nous affaiblir un peu plus encore.

Je voudrais également vous informer que j’ai proposé au Procureur général Gurgen Nersisyan d’assumer les fonctions de Ministre d’État. Je suis heureux qu’il soit prêt à assumer ces lourdes responsabilités dans un contexte aussi difficile. Il publiera une déclaration sur sa décision définitive dans un proche avenir. J’ai opté pour la candidature de

M. Nersisyan en tenant compte de ses qualités professionnelles et humaines, de son professionnalisme, de sa probité, de ses principes et de son patriotisme. En raison de la nature particulière de sa mission, de nombreux travaux menés à bien par M. Nersisyan au profit de l’Artsakh ne sont pas connus. Très peu de personnes en sont informées. J’en suis convaincu, un jour les gens seront également informés de tout cela, de l’importance du travail accompli par le bureau du Procureur au cours des deux dernières années sous la direction de Gurgen Nersisyan.

Tous les organes exécutifs seront placés sous l’autorité du nouveau Ministre d’État, à l’exception des « structures de force » [Armée et police] et du ministère des Affaires étrangères. Comme dans le cas de M. Vardanyan, M. Nersisyan recevra également de moi de larges pouvoirs et une liberté de décision dans son champs de compétences, y compris les questions du personnel d’État.

Naturellement, comme aujourd’hui, des décisions importantes seront prises à la suite de discussions collégiales avec le Conseil de sécurité et le Gouvernement, garantissant autant que possible la participation inclusive du public à ce processus.

Comment continuer la lutte et quel est le rôle de chaque citoyen d’Artsakh ?

Maintenant, la dernière, mais la plus importante des questions. Beaucoup de choses dépendent de chacun d’entre nous dans la construction d’un avenir meilleur pour l’Arshakh.

Le syndrome d’impuissance et d’indifférence propagé par l’ennemi est inacceptable et dangereux au plus haut point. Le principal facteur influençant l’avenir de l’Artsakh reste la volonté et le comportement du peuple d’Artsakh que la partie azerbaïdjanaise s’efforce de briser autant que possible en utilisant une large boîte à outils criminelle de pression physiques et psychologiques.

Chaque citoyen a au moins deux choses claires à faire pour l’avenir de l’Arshak : vivre en Artsakh et accomplir quotidiennement avec cœur son travail, chacun à son poste, du soldat à l’enseignant, de l’agriculteur au fonctionnaire. Aussi rude que puisse paraître la lutte, il existe des solutions, et la fuir, c’est fuir ses valeurs et sa responsabilité. Plus que jamais, l’État se tiendra aux côtés de chaque citoyen, partageant ce glorieux fardeau de la lutte et de la responsabilité.

Par conséquent, nous poursuivons notre lutte pour un Artsakh arménien, indépendant et sûr, résolus à vivre et agissant avec cœur pour l’Artsakh.